Le Billet Polar

LITTORAL LITTERAIRE par Claude Le Nocher

Les villes portuaires, la mer, et les paysages côtiers ont-ils inspiré les auteurs policiers ? Quelques-uns ont su tirer parti des sites particuliers comme les îles ou les bourgades en bord de mer. Les auteurs dits " régionaux " utilisent largement ces décors. Mais depuis longtemps nombreux furent les romanciers qui choisirent d'y situer leurs intrigues. Il n'est pas question de les citer tous. En voici quelques exemples…
" Les amants de la dune " d'André Besson (Fleuve Noir, 1974). Un scénariste se rend dans un petit port vendéen où, cinq ans plus tôt, un ex-prêtre et son amie ont été assassinés. Il enquête pour préparer son sujet de film. Les habitants sont réticents à lui répondre, voire menaçants. Il risque de revivre le même drame que le couple de victimes. Un roman remarquable.
" Le plongeon du frère Boileau" de Jacques Ouvard (Le Masque, 1964). Un marin-pêcheur de la région de Lorient est retrouvé assassiné. Un autre du même chalutier est victime d'un curieux accident de moto. Le second est suspecté du meurtre du premier. Mais tout l'équipage peut être soupçonné. Le frère Boileau, ancien brillant policier, va rétablir la vérité.

 

 

 

 

 

 


" Arrêtez le carrelage ! " de Patrick Raynal (Baleine, 1995) se place exactement dans le même secteur. Gabriel - Le Poulpe - s'intéresse à l'explosion d'un petit chalutier rentrant en rade de Lorient. Un fait divers dont les autorités s'occupent peu. Bien que les gens ne lui fassent pas trop confiance, Gabriel met le doigt sur une affaire immobilière plutôt suspecte. Il n'est pas seul à s'y opposer.
Léo Malet entraîna lui aussi son héros en Bretagne sud pour " Nestor Burma dans l'île " (Fleuve Noir, 1970). Une ambiance insolite, hostile parfois, aux yeux du détective citadin.
" Le noyé de Concarneau " de Michel Germont (Fleuve Noir, 1977). Un suicide par noyade, un enquêteur d'assurances mal convaincu par la version officielle, un mort méconnaissable. C'est la narration très réussie qui offre toute sa saveur à cette histoire… Faut-il rappeler que ce port figure dans plusieurs romans - dont " Les demoiselles de Concarneau " de Georges Simenon (1936) ainsi que " Le Chien jaune " (1931).
Deux titres d'Alain Page se déroulent aux alentours de cette ville : " Casse-cou " (Fleuve Noir, 1967) et " Le corps mort " (Fleuve Noir, 1969). Dans ce dernier, il est question de meurtre par… ski nautique. Jean Mazarin envoya un de ses héros, le reporter Max Bichon, dans la région côtière près de Morlaix pour " Halte aux crabes ! " (Fleuve Noir, 1982) où il enquêtait sur les meurtres de plusieurs femmes. Mais son plus célèbre personnage, le " Privé au soleil " Frankie-Pat Puntacavallo, fréquentait les rives de la Méditerranée.

Ce qui nous permet d'arriver sur la Côte d'Azur avec : " Accident au Lavandou " de J.P.Garen (Fleuve Noir, 1977). Un juge d'instruction interroge les témoins après la mort d'une jeune femme invitée dans la villa d'une amie. Noyade accidentelle ou meurtre ? Un roman un peu bavard, mais sympathique.
" Cadavres en vacances " de Jean-Pierre Ferrière (Ditis-La Chouette, 1958). C'est à La Ciotat, dans la pension de famille d'une cousine, que les originales sœurs Bodin - Blanche et Berthe - vont passer des vacances quelque peu mouvementées. Une histoire aussi souriante que policière, fort agréable à lire. Du même auteur " Faites chanter l'ogresse " (Fleuve Noir, 1975) a pour cadre une propriété proche du Lavandou, où une femme mûre manipule ses jeunes invités, garçons et filles. " Sainte Angoisse " (Fleuve Noir, 1966) se passe aussi dans cette région, alors que " Les pleureuses " (Fleuve Noir, 1968) a pour décor un vieil hôtel de la côte normande où un homme en fuite s'est réfugié.
C'est dans une villa sur la côte d'Azur, au Cap Bénat, que Louis C.Thomas situe son haletant suspense " Manie de la persécution " (Denoël, 1963).
Nice est l'une des villes très souvent utilisées par les auteurs policiers. Citons au hasard Patrick Raynal ou Michel Grisolia, parmi tant d'autres. C'est peut-être Brice Pelman qui évoqua le plus fréquemment sa ville. Déjà dans son tout premier roman publié sous le nom de Pierre Darcis, " Le cadavre et moi " (Athème Fayard, L'Aventure criminelle, 1960), il situait son intrigue mouvementée à Nice. On pourrait recommander la lecture de " Un innocent, çà trompe " (Fleuve Noir, 1982), de " L'échappée belle " (Fleuve Noir, 1984), ou de " La Bascule " (L'instant Noir, 1987). Mais il en a écrit bien d'autres, tous aussi excellents, se servant de ces décors qu'il aime.

 

 

 

De même, il serait vain de choisir un titre parmi ceux de Georges-J. Arnaud, puisque nombre de ses romans ont pour décor le littoral entre frontières Espagnole et Italienne. Toulon revient souvent. Pour l'anecdote, son roman " A tête coupée " signé Georges Murey (Feux Rouges, Ed.Ferenczy, 1960) raconte une évasion au Mexique. Il s'inspira largement des paysages côtiers du Languedoc pour décrire ceux de la côte mexicaine dans ce très bon roman.
L'action du roman de Richard Bessière " Mourir sans risque " (Cheminements, 2001) se situe à Narbonne-plage en été. Un policier enquête sur les agressions dont est victime la jolie Barbara.
Parmi les grands classiques s'étant servis des sites maritimes, des ports ou des îles, on ne peut oublier l'excellent Charles Williams, publié dans la Série Noire. " La mare aux diams " (1956), " Péri en mer " (1961), ou " De sang sur mer d'huile " (1965) - devenu au cinéma " Calme Blanc " - ne sont que quelques exemples de ses livres, où la mer joue un vrai rôle… Les îles constituant des lieux à la fois insolites et isolés, il n'est pas étonnant qu'elles aient inspiré Agatha Christie pour " Les vacances d'Hercule Poirot " ou " Dix petits Nègres " (Le Masque)… On sait que Maurice Leblanc, père d'Arsène Lupin, était attaché à sa Normandie. Etretat fut-il selon lui le plus beau site du monde ? " L'aiguille creuse " est certainement un de ses romans le plus marquant… Les affaires traitées par l'avocat Perry Mason se passe parfois au bord de l'eau. C'est même sur un navire de croisière que se situe l'action de " Visages de rechange " (Un mystère, 1949), le premier numéro de cette mythique collection… Bien qu'il ne soit pas le roman préféré de son auteur, " On l'appelait Johnny " de Jean-François Coatmeur (Denoël, 1979) est un très bon livre. Sur un cargo mixte revenant en France, un homme tombe à la mer. Il faudra fouiller dans les lourds secrets des personnes se trouvant à bord pour comprendre et trouver le coupable. Du même Coatmeur, Son premier roman " Chantage sur une ombre " (Le Masque, 1962) et " Les voix dans Rama " (Denoël, 1973) ont pour cadre Douarnenez.

On peut également évoquer un roman de Georges Tiffany : " La tragédie du Viking " (Fleuve Noir, 1966), où de riches vacanciers sont victimes d'un naufrage à l'issue de leur séjour dans une île d'Ecosse. Un drame provoqué par un homme d'affaires français voulant qu'on perde sa trace ? C'est ce que pensent les policiers venus enquêter sur place. Ils y rencontreront la jeune femme du disparu.
" Le bateau des nuits blanches " de Roger Vilard (Fleuve Noir, 1967) voit embarquer un assassin récemment sorti de prison, qui a tué pour " refaire sa vie ". Sur le navire, il devra deviner l'identité de l'enquêteur qui pourrait le coincer. Une intrigue particulière qui rend cette histoire fort singulière.
Parmi les " régionaux ", Jean-Christophe Pinpin a publié une série de romans situés dans les îles bretonnes : " Qui voit Molène voit sa peine ", " Qui voit Groix voit sa croix " (Bargain).Citons aussi Françoise Le Mer pour " Blues bigouden à l'Île-Chevalier " (Bargain, 2003). Jean Failler privilégie lui aussi le littoral dans ses romans : " Marée Blanche ", " Boucaille sur Douarnenez " … (Editions du Palémon). Chez Liv'Editions, on retiendra " Le rendez-vous de la Korrigane " du défunt Gabriel Vinet, dont l'action se passe en grande partie sur un îlot à la sortie du Golfe du Morbihan. Christian Denis situe aussi ses romans sur la côte Atlantique. Retenons " Objectif thune ", qui a pour décor La Tranche-sur-Mer, en Vendée.
Robert Béné a publié chez De Borée plusieurs romans ayant pour décor l'île de Ré. Parmi les plus récents : " Un aller sans retour pour Ré-la-Blanche " (2003), une histoire pleine d'humour qui se déroule dans les années 1930, dans la grande tradition du roman populaire.
Notons également un excellent recueil de nouvelles publié en 2003 aux éditions Autrement : " Brest, l'ancre noire ", avec des textes de Gérard Alle, H.Bellec, J.F.Coatmeur, Cary Férey, Marie Hélia et J.P.Jody.
Les titres évocateurs sur ce thème sont légion :
" Quai des désespoirs " de Roger Martin, " Quai des Typhons " de Claude Rank, " La noyée de l'île " d'Albert Sigusse, " L'inconnue des îles " de Maurice-Charles Renard, " Une île si paisible " de Ray Lasuye, " Le ver dans l'île " de Brice Pelman, " L'île aux trente cercueils " de Maurice Leblanc, " La baie des Trépassés " de Catherine Arley, " Naufrages " de Dan Dastier, " Envoyez la goélette " de MG.Braun, " L'assassin est à bord " de Patrick Quentin, " On a tué pendant l'escale " de F.R.Falk, " Le navire qui tuait ses capitaines " de Maurice Tillieux, " Le yacht noir " d'Alain Page, " Poison en mer " de Serge Laforest, " Du sable pour linceul " de Saint-Gilles (G.J.Arnaud), " Aux algues, citoyens ! " de Vic St Val, " L'île aux muettes " de Bachellerie, " Thalassa " de Mario Ropp…

Si pour certains auteurs, le décor n'est que prétexte, beaucoup s'en servent réellement. La description d'un site côtier ou portuaire apporte une note originale à un roman. Quand ils parviennent en plus à cerner la personnalité (parfois paradoxale) des populations concernées, les romanciers proposent alors des histoires très réussies.

 

CLAUDE LE NOCHER

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