Le Billet Polar



LES MECONNUS DU FLEUVE

Quand on évoque la célèbre collection Spécial-Police du Fleuve Noir, on cite toujours les mêmes grands auteurs. Il est vrai qu'ils ont marqué des générations de lecteurs pendant presque quarante ans, de 1949 à 1987.

Le Fleuve Noir n'aimait guère les étoiles filantes. Il privilégiait la solidité des romanciers productifs. La plupart possédait un vrai savoir-faire. Quelques-uns uns firent preuve de talent et d'originalité. Pourtant, malgré la rigueur de l'éditeur, il y eut des passages uniques ou peu durables. Dans les années 1950 à 1960, il faut citer Michel Audiard (3 titres) devenu l'un des meilleurs dialoguistes du cinéma français, ou Louis C.Thomas (" Jour des morts " signé Thomas Cervion) qui connut une grande notoriété dans la collection Crime Club, chez Denoël.
A partir des années 1960, d'autres auteurs (souvent plus obscurs, mais pas tous) ne publièrent qu'un seul titre en Spécial-Police.
Jean Socoa : "La mort prend l'ascenseur" (n°400), roman d'enquête plutôt réussi avec un policier manquant d'ambition, proche de la retraite, enquêtant dans un immeuble.


J.B.Cayeux : " Au plus juste prix " (n°544), où un baroudeur est mêlé à un meurtre. Mais cet auteur publia surtout dans la collection Espionnage du Fleuve Noir.
P.J. Marcel : " Meurtre en deux temps " (n°805). Quelques années plus tard, l'auteur utilisera dans la même collection son autre nom : M.G. Prêtre (sauf erreur).
Jean Murelli : " La mort dans la peau " (n°807). Cet auteur est surtout connu pour une douzaine de romans publiés dans la collection Angoisse du Fleuve Noir.
M.J. Leygnac : " L'oiseau de Quesada " (n°834)
Anthony Michaels : " Amours meurtrières " (n°1192)
Virgil Lernay : " Minables story " (n°1232)
Jean Detis : " Les marionnettes " (n°1307). L'auteur venait de la collection l'Aventurier du Fleuve Noir, où il publia quelques romans d'action.
André Berger : " Ordonnance de non-lieu " (n°1329), dû à un duo d'auteurs ayant publié par ailleurs : André Picot et Roland Berger.
Mikael Ennis : " Le voleur de jeans " (n°1806). Il semblerait qu'il s'agisse d'un roman d'Hervé Jaouen. S'il n'a pas marqué son auteur, ce roman reste excellent.
Serge Brussolo : " La maison vénéneuse " (n°1919)
Tonino Benacquista : " Epinglé comme une pin-up dans le placard d'un G.I. " (n°1960)

Ces deux derniers auteurs connaissent depuis un grand succès, chez d'autres éditeurs. N'oublions pas enfin :
J.B.Nacray : " La vie duraille " (n°1968), écrit par Jean-Bernard Pouy, Patrick Raynal et Daniel Pennac. Faut-il rappeler les qualités individuelles de ces auteurs ? Par la suite, les deux premiers ont écrit ensemble plusieurs livres dont, récemment, " La farce du destin " (Les contrebandiers éditeurs).
Souvent issus d'autres collections du même éditeur, certains romanciers ne présentèrent que peu de titres en Spécial-Police.
Michel Carnal écrivait surtout des romans d'espionnage. Il obtint pourtant le Grand Prix de Littérature Policière 1964 pour " La jeune morte " (n°381). Il est aussi l'auteur de deux autres policiers : " Il faut tuer Bourdeleau " (n°629) et " L'Adonis enlisé " (n°1457).
François Baincy proposa quatre enquêtes du commissaire Foucher, des affaires classiques fort réussies : " Justice est refaite " (n°745), " Armes parlantes " (n°800), " Six chasseurs sachant chasser " (n°881), " Des collets pour les souris " (n°996).
Maurice Derblay ne signa que deux titres : " Un mort gratuit " (n°498) et " La bouteille de lait " (n°558). Précisons qu'il s'agissait d'un pseudo de Noël Calef, auteur de " Ascenseur pour l'échafaud ", dont l'adaptation cinéma est célèbre.

 

 

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Claude Roland, avec " Le démon de la chaire " (n°939) et " La balustrade " (n°1014) se contenta également de deux titres. Tout comme Yann Menez : " La petite fatigue " (n°1486) et " Marketing à main armée " (n°1592). Idem pour Pierre Suragne, avec " Du plomb dans la neige " (n°1138) et " Les grands méchants loufs " (n°1351). Toutefois, nous savons que c'était un pseudonyme de Pierre Pelot, auteur prolifique et talentueux. Il publia chez divers autres éditeurs. Sous ce nom de P.Pelot, on lui doit encore en Spécial-Police : " Roman toc " (n°1952), " L'heure d'hiver " (n°1956), " Le méchant qui danse " (n°1964). Sans oublier ses titres pour la collection Engrenage, dont le célèbre " L'été en pente douce ".
Jean-Pierre Conty se fit connaître dans la collection Un Mystère (Presses de la Cité). Il poursuivit sa carrière au Fleuve Noir, principalement avec des romans d'espionnage. On peut quand même signaler deux policiers : " Bravo pour l'amateur " (n°891) et " Première nuit dans ma tombe " (n°945). Ce dernier est assez réjouissant.
Rappelons aux admirateurs de Thierry Jonquet que " Le bal des débris " (n°1848) et " Mémoire en cage " (n°1987) parurent dans cette collection. Et qu'un de ses romans sous le pseudo de Ramon Mercader fut aussi publié au Fleuve Noir.
Plusieurs titres d'André Besson parurent en Grands Romans. Ses Spécial-Police sont de bon niveau : " L'homme de la savane " (n°930), " La liberté pour ta peau " (n°998), " Les amants de la dune " (n°1108), " Les randonneurs " (n°1209). Venu de la collection L'Aventurier, Victor Harter signa également quatre titres : " Les vieux loups bénissent la mort " (n°725), " Choucroute au sang " (n°798), " Le valet se coupe à cœur " (n°852), " Un homme légèrement assassiné " (n°1211).
Issu de la collection Feu, du Fleuve Noir, G.Le Luhandre tenta trois romans policiers : " A tombeau fermé " (n°1152), " L'hôtel du loup " (n°1200), et " Un mort en trop " (n°1241). Qui était Alain Rivière ? Selon Paul Maugendre, c'est l'épouse de Claude Rank [éminent auteur-maison] qui utilisa ce pseudo. Rappelons ses trois titres : " Le dernier mort du val " (n°1340), " La mort en double " (n°1416) et " D'une pierre deux morts " (n°1462).
Citons encore José Michel, auteur de la collection Angoisse, mais publiant aussi en Spécial-Police : " Pétales pour un cadavre " (n°628), " A longue échéance " (n°669), " Le cercle refermé " (n°731), " Le parking infernal " (n°811), " Deux morts pour rien " (n°856).
Chez un éditeur où la quantité permettait d'imposer un auteur, on comprend que quelques-uns de ceux que nous venons d'évoquer aient peu percé dans le domaine policier. Ou qu'ils aient été trop vite oubliés par les lecteurs. Pourtant ils proposaient d'aussi bons romans que les autres, sans nul doute.
Parmi les méconnus ou les oubliés, on peut citer quelques noms supplémentaires. Fred Noro et Mike Cooper venaient de chez Un Mystère. Bien qu'ayant publié chacun six titres en Spécial-Police, on retient plutôt leurs romans d'espionnage. Georges Vidal fut édité chez Ferenczy, collection Feux Rouges, avant d'apporter lui aussi six livres au Fleuve Noir. Julien Sauvage publia ici deux suspenses, puis quatre titres dans la mini-série " Le Condottiere ", dont le héros a pour nom Bruno Campana. Comme beaucoup d'auteurs-maison, François Chabrey fut plus connu pour ses espionnages que pour ses sept titres policiers. Jean Stuart n'en publia également que sept, des romans qu'on relit avec un plaisir certain. On trouve huit titres de Giova Selly, mais elle écrivit dans d'autres collections et pour différents éditeurs. Issu de la collection Feu, Henry Trey publia huit policiers. Mais on raconte qu'il est l'auteur de quelques livres signés par d'autres romanciers.

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Richard Caron et Georges Tiffany sont des cas un peu particuliers. Ils ont publié chacun onze titres en Spécial-Police. Le premier, venu des Presses de la Cité, est l'auteur de nombreux espionnages. Ses suspenses policiers basés sur des faits de société sont plaisants à lire pour qui veut se souvenir des années 1960 à 70. La seconde possédait une véritable originalité, peut-être déroutante pour les lecteurs de l'époque. Tous deux méritent d'être redécouverts.
Onze titres aussi pour Pierre Vial-Lesou, dont la carrière fut aussi atypique que l'auteur. Bon nombre de ses romans furent adaptés au cinéma, ceux qu'il publia dans la Série Noire (" Le doulos "), comme ceux édités en Spécial-Police (" Mort d'un condé ", n°841).
Durant la dernière période, les années 1984 / 87, on vit apparaître des noms d'auteurs qui s'imposèrent assez vite. Avec sept titres très originaux, Kââ ne fut pas le moindre parmi ces nouveaux romanciers. Michel Quint publia huit titres, dont le tout dernier de la collection : " Bella Ciao ! " (n°2075).
Sans oublier l'excellent Gérard Delteil, et ses quatorze romans publiés ici. Par contre, quelques autres ne firent qu'un bref passage avec un ou deux titres. Parfois, ces derniers furent aussi publiés en collection Engrenage. Certains d'entre eux devinrent scénaristes pour la télé, mais ce ne fut pas la majorité. Les temps changeaient, et Spécial-Police allait bientôt s'éteindre.

Sur l'ensemble des auteurs que nous venons de citer, peu restent dans les mémoires (sauf les plus récents). Il n'est donc pas mauvais de retrouver les romans de ces oubliés, souvent méconnus. On a souvent de très bonnes surprises à la lecture de leurs livres.
CLAUDE LE NOCHER

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