Laurent Martin publie son premier roman dans la fameuse collection policière, Série Noire. Roman noir et traitant des sujets actuels, l'auteur dépeint une société qu'il qualifie lui-même comme telle "Deux mille cinq cents ans qu'on vit avec et que rien n'a vraiment changé.

Livrenpoche : L'ivresse des dieux est votre premier roman. N'était-ce pas trop difficile de prendre un sujet de société aussi brûlant que le mal des banlieues comme cadre ?
Expliquez-nous de quoi est parti votre livre ?

Laurent Martin : Je suis issue de la banlieue et de la ville nouvelle. Cet aspect de mon livre
n'était pas aussi difficile que ça à traiter. J'ai beaucoup observé.
J'ai toujours pensé que le polar était un genre majeur du XXe siècle capable de diagnostiquer les maladies d'une société, tout en restant populaire. Le
phénomène urbain, l'absence de solidarité, la violence sociale, la difficulté de vivre, sont les maladies de notre société. Je les diagnostique tout en racontant une histoire.

L'ivresse des dieux
Série Noire N°2640
232 Pages - 2002
ISBN : 2070499774


Votre livre est une vision dure de la réalité des cités et notamment de
Marne la vallée. Comme vous le dites en préface, "finalement, rien a changé depuis 2500 ans". Est-ce un appel, une bouteille à la mer ? (Police
municipale, jeune en dérive, béton, etc...) ?


L.M. : Attention quand même ! Ce n'est pas des cités que je traite, mais des villes nouvelles. Ce qui est un peu différent.
Et dans ces villes nouvelles, ce sont les gens qui y vivent qu'il m'intéresse
d'évoquer.
Ce qui n'a pas changé en 2500 ans, c'est la difficulté pour un individu de vivre ecrasé par une cité, en tant qu'objet social constitué. La tragédie, pour certain, vient du fait qu'ils savent qu'ils perdront toujours contre la Cité, mais qu'il ne peuvent se résigner à ne pas se battre.

L'originalité de votre livre réside dans trois niveaux de vue, le choeur, le héros et le coryphée. Comment est venue cette superbe idée ?

L.M. : J'avais besoin de plusieurs points de vue pour à la fois mettre en avant les réflexions du héros, raconter l'histoire et commenter cette même histoire. J'ai cherché un bout de temps la bonne réponse littéraire à ce problème. Comme j'ai une petite connaissance de l'histoire du théâtre, par association, l'idée de la structure antique m'est venue à l'esprit. La forme est donc venue après le fond.
Par la suite, je l'ai trouvée assez efficace.

Le coryphée a un rôle de soutien moral. Est-ce le reflet de son insconscience, de ses pensées intimes ?

L.M. : Un peu. C'est aussi le regard que jette l'auteur sur son personnage.

En quoi le héros vous ressemble-t-il ?


L.M. : En rien ! Je ne me projette pas dans mon personnage. Cependant j'utilise ce que je sais, ce que j'ai vécu, ce que j'aime, pour l'enrichir. Celui qui pourrait me ressembler le plus c'est le chien Médor.

Vous donnez au cours de votre livre, de véritables coups de pied dans la fourmillière des autorités : Agents d'ambiance, Gens du voyage. Ce sont des points de vue durs. Pouvez-vous nous expliquez votre point de vue ?


L.M. : Je ne me trouve pas si dur que ça ! Mais je dirais que les autorités sont à l'image de la société. Si nous étions plus exigeants, si nous nous investissions plus dans la vie de la Cité, alors nos autorités seraient plus exigeantes avec elles-même.

Avez-vous eu des réactions de personnes ou autorités vivant à Marne la Vallée que vous avez décrite assez durement et donne pas vraiement envie de s'y installer ! (rire)


L.M. : Personne n'a encore hurlé officiellement.
Ceci dit, j'ai noirci le trait. Marne-la-Vallée, en tant que ville, n'existe pas
dans la réalité. C'est un ensemble de communes regroupées entre elles. C'est l'ensemble des villes nouvelles, en tant que lieu de vie, que j'évoque.
La construction de ces villes nouvelles n'a pas donné lieu à des vies nouvelles.
C'est ce que je regrette le plus.
L'ensemble du livre n'est pas aussi noir que je peux le laisser entendre. Il y a pas mal d'ironie, voir même de l'humour, me semble-t-il. Et puis, j'aime
beaucoup mes personnages.

Concernant votre carrière personnelle, quel effet cela fait de rentrer pour son premier roman dans une collection aussi prestigieuse que la "Série Noire" ?

L.M. : J'ai eu beaucoup de chance. La Série noire fait figure de référence dans le polar français.
C'est assez agréable à vivre car ça flatte un peu mon égo. J'ai la faiblesse de croire qu'il y a donc certaines qualités dans ce que j'écris.

Avez-vous d'autres projets de romans noirs ou des projets tout court autre que votre thèse sur l'art rupestre en Asie Centrale ?

L.M. : Je travaille sur quelque chose de plus léger et qui pourrait paraître sous la forme d'un feuilleton.
Je travaille également sur une sorte de suite à L'ivresse des Dieux, avec
peut-être un autre personnage principal.

Merci et bonne continuation

L.M. : Merci à vous !

 

Benjamin DUQUENNE

 

Le résumé :

 

Rédigée sous la forme d'une tragédie grecque mélant les points de vue narratifs du Héros, du Choeur et du Choryphée qui commente l'action, L'ivresse des dieux évoque le désespoir d'un policier municipal de Marne-la-vallée confronté à un assassin dont son ex-femme a été la victime.
Errances noctures, alcools et quêtes rédemptrices seront les moyens que mettra en oeuvre le héros de se sauver lui-même de la peste morale qui les ronge, lui et la Cité.

Source de l'auteur

 

Ce que nous en pensons :

 

Tout d'abord désarconné par ces passages entre le héros, le coryphée et le choeur, parfois dérouté par la présentation de personnages dont on apprend beaucoup plus tard leur rôle dans l'histoire, on se laisse emporter par l'histoire et par la descente de son héros.
Une vision noire des cités nouvelles, des personnages véritables (qu'on pourrait croiser dans nos rues).
Un bon roman que nous vous conseillons


Notre note : 4/5

 

Site internet du livre :

http://ivressedesdieux.free.fr