Résumé :
Dès lors qu'il se propose de modifier, tout ou partie, son lecteur, le roman cherche à pervertir. En ce sens, Restif en est l'initiateur : moins par son verbe que par ces deux personnages - qu'il amalgamera, plus tard - Gaudet et le Père d'Arras.
Où trouverait-on (sans remonter à Rabelais) une quelconque créature qui soit un peu leur saint Jean-Baptiste ? Leur originalité propre (et, à leur suite, celle des Valmont, des Vautrin, des Valjean... tous avec un V comme volonté) est d'avoir chassé l'écrivain de son oeuvre. Ce sont eux qui mènent le jeu. Ils assument la grande mutation qui, au 18°, va, de la tragédie classique, faire le roman moderne. Laissant Voltaire s'essouffler dans un théâtre d'ombres, et saluant de loin Lesage et Prévost, c'est Marivaux, puis Rousseau, puis Restif dont l'alchimie est prométhéenne.
Comment s'étonnerait-on de voir naître ces héros en pleine vogue du roman par lettres, dont l'auteur se prétend le simple copiste ? A peu près à l'époque aussi du mythe de Frankenstein : c'est évidemment la moindre des choses.
Daniel Baruch
Source : 10-18