Le Billet Polar

La Chronique Baladeuse du mois de janvier 2006

  Après les violences urbaines du précédent numéro, La Chronique Baladeuse s’offre une petite pause câline dans le monde de Lilian Jackson Braun. Initialement traduits et publiés au Masque, ses romans font les beaux jours de la collection Grands Détectives depuis 1991. Commençons par le commencement avec Le Chat qui lisait à lenvers.


  Ancienne gloire des salles de rédaction, ex chroniqueur judiciaire, correspondant de guerre et lauréat du très envié Trophée des Journalistes, Jim Qwilleran s'efforce de mettre fin à une longue traversée du désert. Le Daily Fluxion, désireux de l'accueillir dans ses colonnes, lui propose un poste de chroniqueur artistique, domaine auquel Qwilleran ne connaît… strictement rien! Qu'à cela ne tienne, le journal a besoin d'une plume suffisamment naïve pour contrebalancer le fiel de son critique attitré, le redouté Georges Bonifield Mountclemens III. Qwilleran hésite mais nécéssité fait loi et il y a la perspective de retrouver son vieux camarade, Arch Riker, avec qui il a travaillé, des années auparavant, à Chicago.
  Les premiers pas de Qwilleran dans le monde des artistes sont assez déconcertants. Le journal l'envoie interwiever un jeune peintre qui jacasse comme une pie et une femme sculpteur aux manières brutales. Tous ses interlocuteurs maudissent Mountclemens et chacun lui propose de faire son éducation artistique tout en le mettant en garde contre les autres. Qwilleran, de son côté, n'est pas insensible au charme de Zoé Lambreth. La jeune femme, peintre, est marié au galériste Earl Lambreth et leur travail est le seul qui trouve grâce aux yeux de Mountclemens, à tel point qu'il se murmure quelques secrets d'alcôves à leur sujet...


Mountclemens invite Qwill à dîner et les deux hommes sympathisent si bien que le journaliste emménage au rez-de-chaussée de la maison du critique et profite de la compagnie de son siamois délicat, Kao K’o Kung dit Koko. Alors que le critique est en route pour New York, Earl Lambreth est assassiné dans sa galerie et les œuvres exposées sont saccagées. Zoé, inquiète, se confie à Qwilleran et le journaliste découvre les dessous d’une galerie d’art…


On a écrit tout et n’importe quoi sur les romans de Lilian Jackson Braun et s’il est vrai que cette distrayante série va en s’affadissant, le phénomène est suffissamment intéressant, par le nombre de volume (28 titres à ce jour), par son étonnante histoire et par l’originalité des personnages pour qu’on lui apporte un éclairage digne de ce nom.
  Lilian Jackson Braun est née en 1916. Elle développe rapidement le goût de l’écriture et fait carrière dans le journalisme. En 1963, elle rédige quelques nouvelles policières où les chats occupent déjà une place importante et elle se lance dans un premier roman, trois ans plus tard, avec ce Chat qui lisait à lenvers. Elle publie encore deux romans mettant en scène Jim Qwilleran et ses félins, Le Chat qui mangeait de la laine (The Cat who ate Danish modern,1967) où Koko obtient l’arrivée d’une petite compagne et Le Chat qui aimait la brocante (The Cat who turned on and off, 1968). La série naissante est saluée par le New York Times mais il faudra patienter pas moins de dix-huit années pour lire le quatrième volume, Le Chat qui voyait rouge (The Cat who saw red, 1986). Les ventes explosent et depuis lors, l’aventure continue.



  Premier volume de la série, Le Chat qui lisait à lenvers offre une plongée fort instructive dans le monde, très varié, des artistes contemporains et se distingue par son sens du non-dit. Sur le plan géographique d’abord, bien malin qui pourrait deviner dans quelle ville se déroule le roman ! Libre à chacun d’imaginer le décor urbain qui lui convient. Le passé de Qwilleran est tout aussi mystérieux. On devine, à son abstinence typique des A.A., que l’homme s’est perdu dans la boisson, une erreur de parcours que l’on peut, au détour d’une réplique, mettre en relation avec un divorce. Après une brillante carrière, Qwilleran a fini par échouer dans les rédactions des petits journaux locaux, des postes sans envergure qu’il était incapable de conserver. Mais tout ceci n’est qu’effleuré. Au lecteur de relier les pointillés pour tracer les contours de la personnalité de Qwill. Point de turpitudes non plus sous la plume de Lilian Jackson Braun. Les rapports amoureux, hétéros ou homosexuels ne sont que légèrement suggérés, les corps ne s’expriment que rarement et toujours fort poliment. Le seul qui ait droit à quelques grossiertés, c’est ce siamois si racé qui illumine le roman de sa présence et vous donne envie, illico, d’en introduire un chez vous !
Cette série au ton léger, non dépourvu d’humour, surtout pour peu que l’on soit sensible à la compagnie des animaux, fournit une agréable distraction, lecture du soir idéale, à prendre sans hésiter en guise de transition entre deux romans costauds. La Chronique Baladeuse reviendra sans aucun doute sur cet ensemble. A suivre…

Sophie Colpaert,
Janvier 2006

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