Auteur anglais particulièrement prolifique, John Creasey
a publié 562 livres sous quelques 28 pseudonymes. Creasey
a écrit des pièces, des histoires courtes, des
livres pour adolescents, des westerns (sous les noms de Tex
Riley ou de William K.Reilly) et des romans à l'eau
de rose (sous les noms de Margaret Cooke ou de Elise Fecamps).
Une grande partie de ses ouvrages sont maintenant épuisés,
mais son influence a été reconnue par plusieurs
des principaux auteurs anglais de mystère.
Il produisait 10 000 mots par jour, un livre par semaine,
ne s'arrêtant pas pour effectuer des recherches, "
écrivez d'abord, recherchez après ", comptant
sur des éditeurs dévoués pour les corrections.
Il réécrit sans cesse. Par exemple, un titre
publié dans les années trente pour le marché
britannique et édité aux Etats-Unis disons dix
ans plus tard, sera entièrement révisé
et actualisé et portera parfois même un nouveau
titre ou sera signé par un autre pseudonyme que l'édition
anglaise. Dans une certaine mesure, cette nouvelle édition
sera celle d'un nouveau livre.
Creasey est né à Southfields(1),
dans le Surrey . Il était le septième de neuf
enfants de Ruth et de Joseph Creasey, un charron. Il a fait
ses études à l'école primaire de Fulhan
et à l'école de Sloane, toutes les deux situées
à Londres. Cette éducation dans une ambiance
encore victorienne (Victoria est décédée
en 1901) lui laissera une fascination durable pour les dominions
(Afrique du Sud, Australie, Canada). Nombre de livres attribués
à Jeremy York dans leur traduction française
se passent d'ailleurs en Afrique du Sud, mais une Afrique
du Sud curieusement sans Noirs
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De 1923 à
1935, il exerce divers emplois (secrétaire, ouvrier
d'usine, vendeur) tout en essayant de s'établir
en tant qu'auteur. Son premier livre est édité
en 1930 et son premier roman criminel, Seven times seven,
deux ans après. En 1935 il devient auteur à
temps plein. Rien qu'en 1937, vingt-neuf de ses livres
ont été édités.
Sa première série est celle du service
Z dans des histoires de contre-espionnage, commençant
par The Death Miser en 1933. Les romans de Creasey sous
le pseudonyme d'Anthony Morton présentant le
voleur de bijoux repenti John "The Baron"
(2) Mannering, débutent par Meet the
Baron (1937). Le gentleman-aventurier, l'Honorable Richard
" The Toff " Rollison apparaît pour
la première fois dans Introducing the Toff (1938).
En 1953 Creasey est un des fondateurs de la British
Crime Writers Association. En 1953. lui et ses noms
de plume dépassaient les adhérents en
nombre ! Il a reçu l'Edgar Allan Poe Award en
1962. Il a été fait Grand Master par l'association
des Mystery Writers of America en 1969.
Chaque année, la Crime Writers Association of
Great Britain attribuent les Dagger Awards (Gold Dagger
et Silver Dagger) pour les deux meilleurs livres de
l'année. Un troisième prix est attribué
au meilleur premier roman (policier), le John Creasey
Award.
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Les livres de John Creasey ont les défauts
inévitables de la production en série. Mais
à leur meilleur niveau - la série de Gideon,
par exemple - ils dépassent de loin la production courante.
En plus d'une vie privée animée (quatre mariages),
il a été également plusieurs fois candidat
malheureux au Parlement, et en 1967 il a fondé le mouvement
All-Party Alliance, invitant les électeurs à
choisir le meilleur candidat indépendamment de son
parti. Cette ambiguïté politique de Creasey transparaît
régulièrement dans ses livres : les positions
face aux " faits de sociétés " ne
sont jamais tranchées (la peine de mort dans "
The executioners ", l'avortement dans Gideon et West
(3)). Deux de ses fils, Martin et Richard, sont
devenus des personnages de série dans ses livres. Creasey
a passé ses dernières années vivant alternativement
en Angleterre et en Arizona. Il est mort le 9 juin 1973.
Parmi les personnages les plus connus de Creasey, on trouve
l'Hon. Richard "The Toff" Rollison, Roger West de
Scotland Yard, Sexton Blake, Gordon Craigie du "service
Z", Dr Palfrey, Bruce Murdoch, Patrick Dawlish, Dr Emmanuel
Cellini, un psychiatre, John Mannering ("le Baron"),
et Gideon de Scotland Yard.
Pseudonymes: Gordon Ashe, M.E.Cooke, Margaret Cooce, Henry
St. John Cooper, Norman Deane, Elise Fecamps, Robert Caine
Frazer, Patrick Gill, Michael Halliday, Charles Hogarth, Brian
Hope, Colin Hughes, Kyle Hunt, Abel Mann, Peter Manton, J.J.
Marric, James Marsden, Richard Martin, Rodney Mattheson, Anthony
Morton, Ken Ranger, William K. Reilly, Tex Riley, Jeremy York.
Et quelques autres.
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La série 'The Toff' - Le Prince
The Toff, l'Honorable Richard Rollinson, est un cousin
littéraire (quoique nettement plus fade) de John
Mannering " le Baron ", mais si ce dernier
est dans la lignée d'Arsène Lupin, ici
il s'agit plutôt d'un fils éloigné
de Sir Percival Blakeney, mieux connu sous son nom de
" Mouron Rouge ", héros quelque peu
oublié de la Baronne Orczy.
Diplômé de Cambridge, heureux détenteur
d'une fortune évaluée à plus d'un
demi-million de livres sterling (de 1938 !), l'Honorable
Rollinson, par horreur de l'ennui et de la banalité,
s'est choisi une cause : la lutte contre le Mal, ou,
plus exactement, contre les malfaiteurs. Ni détective
privé, ni aventurier stricto sensu (4),
sportif émérite (cricket, rugby), il concentre
dans sa personne toutes les vertus que la société
victorienne (dont l'idéologie baigne la société
britannique jusque dans le tatchérisme) attribuait
à la noblesse : désintéressement,
détachement et protection des faibles, à
condition que ceux-ci restent à leur place. Régnant
sur l' " East End " londonien, le quartier
mal famé par excellence (5) tel un
suzerain sur ses terres, le " Toff "(6)
est, à l'heure où l'Empire britannique
vacille, le symbole mélancolique de la grandeur
passée. Creasey, en effet, insiste, parfois lourdement
et souvent avec un vernis de racisme (7)
condescendant et paternaliste de colon, sur l'aspect
que l'on qualifierait aujourd'hui de multiculturel de
l'East End.
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C'est dans ce monde sans cesse au bord de l'anarchie
que le Prince, tel Victoria régnant sur l'Empire,
apporte l'ordre. Figure emblématique et symbole
d'une monarchie idéale, il est, comme tout souverain,
à la fois la loi et au-dessus des lois, et reconnu
comme tel par Scotland Yard. Il décide qui il
livrera ou ne livrera pas à la justice. Certains
voleurs se tirent d'affaire avec un sermon (voir Le
Prince contre le marteau), d'autres seront impitoyablement
livré à la justice et probablement au
bourreau. C'est lui qui décide ce qu'est le Bien
et ce qu'est le Mal.
Cette vision passéiste du monde n'empêche
cependant pas Creasey de dénoncer, et parfois
avec une belle véhémence, les injustices
sociales qui gangrènent la société
britannique.
Ce que l'on pourrait nommer la " fracture sociale
", pour employer une expression à la mode
amène d'ailleurs ceux que j'appellerai les sujets
du Prince à prendre parti contre toute forme
d'autorité, ne se sentant en quelque sorte, peu
ou pas lié par le contrat social.
Le Prince, lui, regarde tous ces débordements
avec un détachement amusé.
Bien que chaque intrigue ait une claire connotation
policière, la série s'apparente davantage,
comme chez Edgar Wallace et Leslie Chatertis, au roman
feuilleton d'aventures qu'au roman policier tel qu'aujourd'hui
conçu. Elle n'en demeure pas moins très
plaisante à lire, même si moins enlevée
que la série du Baron. Ce ton en-dessous par
rapport à ce dernier est sans doute dû
à la solitude du Prince : les escarmouches entre
Mannering et sa femme Lorna, toutes d'ironie, apportent
à la série du Baron un rythme enjoué
qui ici fait quelque peu défaut.
Sous le nom du " Prince ", seize volumes
ont été publiés chez Arthème
Fayard entre 1950 et 1957. Arthème Fayard espérait
bien rééditer les coups éditoriaux
réussis avec la série " Le Saint
" et la série " L'homme aux orchidées
" (Nero Wolfe). Cet objectif ne fut pas atteint.
D'une part, la publication française se fit sans
tenir compte de la chronologie et certains personnages
récurrents de la série anglaise firent
des apparitions à éclipses dans la série
française. De plus, après six volumes,
le " traducteur " de la série changea
et certains des personnages récurrents changèrent
de nom !
Plus tard, Ditis reprendra la série, espérant
sans doute un succès semblable à celui
du Baron, mais renoncera assez vite.
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(1) Surrey,
comté de G.-B., au S. de Londres; 1655 km²; 998000
hab.; ch.-l. Kingston-upon-Thames. Pays de cultures (céréales)
et d'élevage laitier.
(2) Baron est aussi le titre donné
aux juges de la Cour de l'Echiquier (probablement l'équivalent
de la Cour des Comptes - à vérifier)
(3) Dans la série West,
une curieuse défense de l'avortement (West et les Irlandais)
et des faiseuses d'anges par idéal.
(4) Il ne vit pas d'expédients
et agit par scrupule moral. Il aime l'aventure, cela n'en
fait pas un aventurier.
(5) Cette réputation
sulfureuse de l'East End " est toujours vivace : un des
soaps les plus populaires de la BBC est de nos jours encore
" Eastender ", histoires pleines de fureur et de
bruit
(6) Toff : an elegantly
dressed young man, often having exaggerated or affected manners:
"champagne, once a raffish drink suitable for toffs and
weddings" (Ian Jack).
[Probably variant of tuft a gold tassel worn by titled students
at Oxford and Cambridge.]
En français cela donnerait quelque chose comme "le
gandin".
(7) "
on
était en présence du plus dangereux de tous
les requins : l'Oriental dégénéré.
" Le Prince entre dans le bain p10
Frank
VAN CANT
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